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22 novembre 2004 

Bienvenue au club

“Parfois, je repense à cette histoire. Ça fait partie des choses auxquelles j'essaie de donner un sens. J'y ai repensé le lendemain matin pendant le trajet de Skagen à l'aéroport d'Ålborg, où nous devions rendre la voiture de location. J'y ai repensé aujourd'hui sur le chemin du retour, entre l'arrêt de bus et la maison de mes parents. Mais lentement, irrésistiblement, je la sens se dissoudre dans les artifices brumeux de la mémoire. Voilà pourquoi je l'ai couchée sur le papier, même si je sais bien que je ne suis parvenu ainsi qu'à la falsifier différemment, plus artistement. Est-ce qu'un récit sert à quelque chose ? Je me le demande. Je me demande si tout le vécu peut vraiment être réduit et distillé en quelques moments d'exception, six ou sept peut-être qui nous seraient accordés dans toute notre existence, et si toute tentative de tracer un lien entre eux est vouée à l'échec. Et je me demande s'il y a dans la vie des moments non seulement "qui valent des mondes", mais tellement saturés d'émotion qu'ils en sont dilatés, intemporels, comme cet instant où Inger et Emil, assis sur ce banc de la roseraie, ont souri à l'objectif, ou quand la mère d'Inger a relevé les stores sur la grande fenêtre du salon, ou quand Malcom a ouvert l'écrin à bijoux et demandé ma sœur en mariage. S'il en a eu le temps.” Jonathan Coe, Bienvenue au club.